L'univers de Marie

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Arrêter de se plaindre: tout un défi!

Envoyée dimanche 04 septembre 2016 à 07:48:00

Je ne sais pas si c'est l'âge...mais j'ai de plus en plus de mal avec les pessimistes ! 

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Elles sont monnaie courante, ces complaintes plus ou moins hargneuses sur le temps qu'il fait, le trafic, les manies d'une collègue ou une énième hausse de nos taxes foncières. On les entend partout: dans la file à l'épicerie, autour de la machine à café au boulot, dans l'autobus et même autour de la table en famille. Est-ce une attitude salutaire qui permet de déverser le trop-plein ou une habitude néfaste qui peut détruire des relations? Bref, devrait-on essayer d'arrêter de se plaindre? «Oui, mais il faut d'abord faire une distinction entre se plaindre inutilement et exprimer une insatisfaction, précise Leo Bormans, auteur du livre Optimiste. Se plaindre est une action stérile et répétitive qui n'apporte aucune solution. Tandis qu'exprimer une insatisfaction ou une émotion peut, au contraire, être très constructif. D'ailleurs, il est prouvé scientifiquement que les gens qui expriment leurs émotions réussissent mieux et sont plus heureux

que ceux qui ne le font pas.»

Exprimer ses émotions négatives pour se libérer et éviter l'accumulation de sentiments nocifs, c'est bien, à condition que les plaintes ne deviennent pas chroniques, prévient Lucie Mandeville, psychologue et auteure de Soyez heureux, sans effort, sans douleur, sans vous casser la tête. «Le ratio de 3 pour 1 de la psychologue américaine Sonja Lyubomirsky veut qu'on s'en tienne à trois commentaires positifs pour une plainte. Ce ratio fait la différence entre la détresse et le bien-être. En dessous, on serait malheureux et on rendrait les autres malheureux.» Un autre psychologue, John Gottman, va plus loin. Il affirme que, dans un couple, chacun des conjoints doit maintenir un ratio de cinq mots gentils pour une plainte.

Pourquoi se plaint-on?

En général, les plaintes répétitives cachent une difficulté à agir. Elles peuvent dissimuler une insatisfaction qui ne concerne pas nécessairement l'objet de la plainte. Une femme insatisfaite de sa capacité à s'affirmer dans son couple peut se plaindre des hommes machos, par exemple. «C'est rare qu'une personne qui est engagée dans l'action et qui tente une solution ait le temps de chialer», constate Lucie Mandeville. Souvent, les plaintes portent sur des choses qui demeurent superficielles et touchent rarement les questions de fond. Les gens en difficulté sont habituellement trop occupés à survivre pour se plaindre. «Chialer, c'est, jusqu'à un certain point, le luxe de ceux qui s'ennuient dans leur existence et qui ont tout pour être heureux», croit-elle.

Certaines personnes qui se plaignent souvent ont une attitude pessimiste qui fait partie de leur personnalité. Elles voient les choses négativement et analysent en détail chaque situation de manière à en présenter le plus mauvais côté. Elles retiennent surtout les événements désagréables et peuvent être rancunières. D'autres se plaignent parce qu'elles en ont développé l'habitude en côtoyant des gens négatifs. «Il faut aller vers les personnes optimistes au travail, à la maison et dans nos amitiés, recommande Leo Bormans. Les optimistes, comme les pessimistes, sont contagieux.

Les uns tuent l'enthousiasme et la passion, les autres nous inspirent.»

Et puis, il y a ceux pour qui la plainte est devenue un mode de vie. Comme Annie, qui a cessé de se plaindre il y a trois ans. La décision s'est imposée lorsque son patron lui a dit qu'elle devenait une leader négative pour son équipe. «Quand je prenais mon café avec les autres employés, je me plaignais de tout et de rien: des horaires, des objectifs de travail et même des administrateurs de la compagnie. Sans cela, j'aurais pu décrocher un bien meilleur poste. J'étais une employée performante, mais on m'a dit que j'avais un problème d'attitude.» Pourtant, elle ne se considérait pas comme une personne négative. Elle avait tout simplement développé une mauvaise habitude, comme des milliers d'autres qui se plaignent chaque jour autour de la cafetière du bureau. «Nous voulons tous de l'attention, constate Leo Bormans. Se plaindre est une façon de se faire remarquer et de faire prendre soin de soi. Certaines personnes n'ont l'impression d'exister que si elles se plaignent.»

En se plaignant sans cesse et en activant les mêmes régions de notre cerveau, on se conditionne à se plaindre encore plus et à voir la vie en noir. Plus on chiale, plus on se prédispose à chialer. «Comme le jugement fonctionne par associations, à force de vivre des situations pour lesquelles nous nous plaignons, nous emmagasinons des perceptions négatives qui auront un impact sur les prochains jugements que nous porterons, explique Lucie Mandeville. Et chialer est mauvais pour notre santé. Notre cerveau active alors des régions associées aux affects négatifs, et celles-ci produisent des hormones qui, à la longue, réduisent l'efficacité de notre système immunitaire et nous rendent malades.»

De la plainte à l'action

La sociologue Diane Pacom voit les choses autrement. À ses yeux, se plaindre de manière conviviale autour de la cafetière serait plutôt un geste de liberté et d'espoir. L'espace d'un instant, cela permet de fuir les contraintes et les conventions. «Fondamentalement, je crois qu'on se plaint pour aller vers l'autre, croyant qu'il est bon que quelqu'un nous écoute. Autrement, on se referme sur soi, on se soumet et on se conforme.»

En se plaignant, on crée des complicités et des réseaux informels. Dans nos réseaux professionnels et sociaux, on teste les autres et on se cherche des alliés. Parfois, une plainte exprimée de manière informelle peut se transformer en plan d'action ou mener à un grief. «Se plaindre est une façon d'établir des ponts entre les gens. Ce ne sont peut-être pas les meilleurs, mais ce sont des ponts quand même», affirme la sociologue, en précisant que c'est aussi une question de culture. «Je suis méditerranéenne. Pour moi, la plainte est fonctionnelle et très libératrice», conclut-elle en riant.

Se plaindre ferait donc partie des règles sociales dans certains groupes, où chialer devient une sorte de carte d'entrée qui nous permet de nous sentir dans la gang. «Pour ma part, je préfère me taire, avoue Lucie Mandeville. J'attends que ça passe, et quand un autre sujet plus ludique se présente, je me réinsère dans la conversation. Par contre, je ne crois pas qu'il soit utile de faire la morale aux autres ou de se montrer plus positive qu'eux. On risque de se faire des ennemis.»

Arrêter de se plaindre, c'est possible!

On a tous droit à la tristesse et à une sorte de «pessimisme défensif», selon Leo Bormans. C'est un peu comme apporter un parapluie quand on pense qu'il va pleuvoir, mais cela ne signifie pas qu'on doive l'ouvrir tous les jours! «L'optimisme n'est qu'à 40 ou 50 % d'origine familiale, précise-t-il. Il vient de nos parents et de nos grands-parents à travers l'éducation et la génétique. Environ 10 % de notre attitude positive est due aux circonstances, comme le travail, la maison, l'argent ou le couple, et l'autre 40 % est une question d'état d'esprit.»

La bonne nouvelle, c'est qu'on peut agir sur notre état d'esprit et apprendre à être plus positive en mettant nos échecs en perspective, en prenant le contrôle de notre vie, en rêvant, en cessant de se comparer aux autres, en partageant et en cherchant toujours plus d'harmonie dans nos vies. Pour changer d'attitude, Lucie Mandeville nous suggère l'exercice suivant: identifier un aspect qui nous irrite chez l'autre ou dans une situation donnée et penser à notre réaction dans une situation similaire. Si, par exemple, on se plaint du fait que notre meilleure amie dévalorise toujours nos succès, on peut se demander dans quelles circonstances il nous arrive de minimiser ou de ridiculiser les succès des autres. Serait-ce quand on est envieuse? Bref, on reconnaît les comportements ou les attitudes qui nous indisposent pour mieux comprendre et moins juger autrui et arriver à moins s'en plaindre.

Être optimiste, ce n'est pas nier la réalité, mais réaliser qu'on a toujours la chance de donner notre propre interprétation des événements. Et ceux qui le font de manière optimiste ont plus de chances d'être heureux et de connaître le succès, peu importe les circonstances.

10 astuces pour cesser de se plaindre

1. Se comparer à pire que nous. Penser aux pauvres, aux sans-abri, aux grands malades. Pas pour nier nos problèmes, mais pour mettre en perspective des désagréments pas si graves, finalement.

2. Penser à un événement plaisant qu'on envisage dans un proche avenir: un projet, une rencontre avec un être cher, le week-end, etc. On peut aussi choisir un objet, le placer bien en vue et prendre la résolution de penser à quelque chose de positif chaque fois qu'on le voit.

3. Chercher le beau côté ou l'occasion à saisir dans une situation négative et se concentrer là-dessus. Voir les choses dans leur globalité plutôt que de s'attarder aux détails.

4. Tenir un journal de gratitude. La gratitude est une attitude à développer pour être plus heureuse. Chaque nour, on note trois choses positives dans un calepin ou dans notre téléphone intelligent.

5. Porter un bracelet à notre poignet gauche jusqu'à ce qu'on se plaigne: on le glisse alors à notre poignet droit. On le remet à notre poignet gauche lorsqu'on dit quelque chose de positif. L'objectif, c'est de le garder à notre poignet gauche toute la journée.

6. Nuancer nos propos. Chaque situation peut être vue sous différents angles. On trouve au moins deux autres façons de voir les choses avant d'en parler.

7. S'entourer de gens positifs et leur demander de nous enseigner leurs secrets.

8. Se mettre à la place d'une personne positive. Avant de réagir, on se demande ce que cette personne penserait de la situation.

9. Lire des livres et regarder des films qui nous font du bien, qui nous mettent dans un meilleur état d'esprit.

10. Se taire. Tout simplement!

On a relevé le défi d'arrêter de se plaindre!

Pendant une semaine, à Coup de pouce nous avons surveillé nos attitudes, nos gestes et nos mots. Premier constat? Nous commençons souvent nos journées en partageant nos petits irritants: la panne de métro, le petit qui s'est réveillé trois fois pendant la nuit, les courriels qui ne rentrent plus. Nous nous posions alors la question: «Sommes-nous en train de nous plaindre ou de constater les faits?» Entre la complainte et le simple partage, la ligne nous semblait mince. Et ventiler auprès de collègues empathiques de ce qu'on vit, ça soulage! Surtout quand notre collègue est passée par là et sait qu'il y a un moment où les réveils nocturnes cessent, les otites aussi, et que la vie nous mène ailleurs. Geneviève, la rédactrice en chef, le dit bien: «Il faut éviter que l'objectif plainte zéro ne devienne esprit critique zéro. Il faut savoir faire la différence entre la plainte et le regard critique, qui est ouvert aux solutions possibles, tandis que la plainte y est fermée.» Au final, l'ambiance était plus détendue et nous étions plus souriants. Être entourée de collègues qui font des efforts pour limiter les plaintes, c'est bon pour le moral! 

Andrée-Anne Guénette

 

PAR DANIELLE VERVILLE , COUP DE POUCE, JUIN 2013


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